Connaissez-vous la coopétition? Le néologisme combine « coopération » et « compétition ». La coopétition désigne une collaboration entre des concurrents ou, d’une manière plus générale, les pratiques simultanément coopératives et concurrentielles entre organisations. Ce genre de partenariat, qui apparaît contre-intuitif ou paradoxal, survient généralement lorsque les acteurs ne disposent pas d’avantage concurrentiel. L’
avantage de faire un partenariat avec des compétiteurs est l’opportunité d’élargir l’étendue de services afin d’atteindre un plus grand marché, tout en faisant valoir une proposition de valeur unique.
La coopétition a été popularisée dans les années 1990 aux États-Unis, notamment par Novell – maintenant
Micro Focus, une entreprise américaine du secteur TI. Novell l’a définie comme le fait de coopérer et de rivaliser avec les mêmes acteurs de l’industrie. Pour répondre aux besoins de compatibilité que demandaient les clients, coopérer avec ses concurrents était devenu une nécessité.
[1] Le terme a aussi été utilisé dans les ouvrages académiques et été appliqué à une pléthore de domaines dont la géographie, la stratégie militaire et le développement des pays.
Dans le secteur des TI, le logiciel libre a bénéficié de financements issus de coopétiteurs. Des entreprises concurrentes, comme Google, Facebook et Microsoft, ont financé des projets libres comme les technologies de la fondation Apache et le
système d’opération Linux. Un autre exemple est celui d’
IBM et d’Oracle. Ces entreprises rivales ont établi un partenariat afin de prendre d’assaut le marché des progiciels de gestion intégrés pour PME. Oracle a pu bénéficier du réseau de distribution d’IBM alors qu’IBM a profité du transfert de compétences.
Le terme « coopétition » semble faire un retour dans le vocabulaire québécois. Marie-Claude Élie, chargée de projet principale chez Google (à Montréal),
cite le terme pour désigner le partage d’information entre des entreprises d’un même secteur pour le bénéfice commun de toutes les entreprises.
Patrick Bernier, président de la firme spécialisée en gestion des ressources humaines
Équipe Humania, voit la coopétition comme une réponse aux coûts toujours croissants auxquels doivent faire face les entreprises. L’idée, selon lui, est de s’allier pour s’intégrer, c’est-à-dire de créer ou renforcer les synergies d’affaires pour éviter que les entreprises ne se cannibalisent. Il cite la cohabitation de plusieurs logiciels ou systèmes d’exploitation à titre d’exemples du secteur des TI.
Dans un contexte québécois marqué par des défis collectifs de main-d’œuvre, l’idée de reconnaître son concurrent prend toute son importance. Une entreprise doit évidemment miser sur ses forces uniques et ce qui la différencie. Si ces atouts peuvent retenir l’attention des clients, ils peuvent aussi pousser les concurrents à vouloir collaborer. La coopétition peut être prometteuse pour un meilleur positionnement local, à l’international, mais aussi pour trouver des solutions à des enjeux plus larges; pensons notamment à la
sous-représentation des femmes et la pénurie de main-d’œuvre spécialisée dans le secteur des TI.
[1] Paul Chiambaretto. La coopétition ou la métamorphose d’un néologisme managérial en concept. AEGIS Le Libellio d’, 2011, 7 (1, Printemps – Supplément), pp.95-104.